• Souvenir - Hachiko

    Souvenir by Hachiko

     

     

    Le pont des Remords. Personne ne savait vraiment pourquoi il portait ce nom. Est-ce que ça avait toujours été le sien, ou bien était-ce un surnom que les gens lui avaient donné après l'accident ? Quoiqu'il en soit, c'était probablement l'un des endroits les plus soigneusement évités de toute la région. Ce qui convenait très bien à Kurogane d'ailleurs … il avait enfin trouvé un endroit tranquille dans ce foutu village bien trop animé à son goût. Non pas qu'il soit asocial, ou quoi que ce soit : il aimait sa tranquillité, et comptait bien la préserver quoi qu'en pensent ses emmerdeurs de "concitoyens", c'est tout.

    Sa mère avait dû déménager ici un peu plus de deux ans auparavant, forcée de quitter sa région natale pour un air plus pur, après que sa maladie se soit aggravée suite à la mort de son père. Il avait donc demandé sa mutation pour pouvoir lui rendre visite deux à trois fois par semaine, et s'occuper d'elle convenablement.

    Mais il avait vite découvert que si les petits villages de montagne étaient réputés pour leur tranquillité, les rumeurs, par contre, allaient bon train, ainsi que les "petits verres vite fait pour faire connaissance", "repas entre voisins, histoire de briser la glace", et autres marques appuyées de bienvenue … et s'était rapidement trouvé une retraite dans le seul coin vraiment paisible à la ronde.

    Il aimait passer du temps à observer l'eau s'écouler doucement plusieurs mètres en contrebas, se faufilant entre les rochers pour disparaître derrière d'immenses pierres d'un gris blanchâtre, quelques dizaines de mètres plus loin. Les gens racontaient qu'il y a dix ans environ, un jeune enfant s'était noyé dans cette rivière. Il avait dû glisser et était tombé du pont ; sa tête avait heurté les rochers et il avait été emporté par le courant… on n'avait retrouvé son corps que plusieurs jours plus tard, malmené par les flots, dans un sale état.

    La plupart du village était présent ce jour-là, ce qui expliquait probablement l'horreur que les gens ressentaient encore à l'idée d'emprunter le pont. La frêle rambarde de bois qui séparait les passants du vide avait immédiatement été remplacée par un solide muret de pierre de plus d'un mètre de hauteur, pour éviter qu'un tel accident ne se reproduise, et les parents interdisaient expressément à leurs enfants de s'y rendre seuls.

    Kurogane, lui, s'en fichait. Tant que cela lui permettait d'avoir quelques instants de quiétude, c'était plutôt une sorte de bénédiction pour lui.

    Seulement voilà, aujourd'hui les choses se présentaient différemment. Aujourd'hui, il y avait quelqu'un, là ; sur SON pont.

    Un jeune homme blond, assez efféminé (il l'avait pris pour une fille au premier abord) se tenait assis de façon bien trop hasardeuse sur le rebord du muret, les yeux perdus dans le vague, fixés sur les flots, chantonnant à voix basse un air enfantin. Il tenait à la main un bouquet de lys blancs, dont il effeuillait les pétales pour les lancer un à un dans l'eau en contrebas. Il suffit d'un seul regard à Kurogane pour se faire un jugement sur ce nouvel arrivant.

    Ce type était fou. Fou, ou défoncé, ou bourré, ou retardé, peu importait, en tout cas quelqu'un qui avait une santé mentale proche de celle des anciens animateurs du Club Dorothée, paix à leur âme. Et ce truc venait polluer sa retraite, pour vivre ses délires bucoliques là où personne ne risquait de l'envoyer pour son propre bien dans l'asile le plus proche… Ou bien peut-être qu'il voulait tenter un ultime plongeon, vu la position précaire dans laquelle il se trouvait. Pas de ça sur MON pont.

    Kurogane se racla légèrement la gorge.

    "Excusez-moi."

    Le type sursauta légèrement au son de la voix de Kurogane, et leva vers lui un regard au fond duquel luisait quelque chose s'apparentant à la crainte d'un animal pris au piège ; manifestement lui aussi s'attendait à être seul ce matin.

    "Si vous comptez vous suicider, il y a un autre pont un ou deux kilomètres en amont. Je viens souvent ici, je n'aimerais pas qu'il soit interdit d'accès à cause d'un abruti qui a décidé en se levant que la vie ne valait plus la peine d'être vécue."

    L'homme le fixa quelques instants, quelque peu déstabilisé par tant de franchise. Puis il rit doucement, et Kurogane fronça les sourcils. Le regard du blond était un regard hanté, empli de douleur et de solitude. Malgré ça son rire ne semblait pas forcé. Ce n'était pourtant pas le rire inquiétant et maniaque de ceux qui ont perdu la raison ; c'était un éclat de rire léger et insouciant, déplacé mais pourtant bien réel. Kuro réprima un frisson. Quelque chose ne lui plaisait pas chez ce type, qui lui rappelait dangereusement une grenade sur le point d'exploser…

    Le blond lui adressa un sourire radieux.

    "Enchanté. Je m'appelle Yuui. Et vous ?"

    "Ça me regarde."

    Le dénommé Yuui ne sembla pas le moins du monde décontenancé par une réplique aussi cassante. Au contraire son sourire s'élargit.

    "Alors va pour "le grand type en noir effray…""

    "KUROGANE !! "

    Silence.

    "Ahem … je m'appelle Kurogane."

    Kurogane alla s'appuyer contre le muret, résigné. Apparemment le blond serait là pour un moment, qu'il le veuille ou non. Il jeta un regard interrogateur au massacre qui devait avoir été un ancien bouquet. La plupart des fleurs étaient à présent dépouillées de leurs pétales, et certaines pendaient tristement, la tige pliée.

    "Tu as un souvenir d'enfance traumatisant qui concerne des lys blancs à évacuer, ou bien quelqu'un t'a posé un lapin ?"

    Yuui regarda le bouquet, puis haussa les épaules et commença à lâcher les fleurs une à une dans les flots à la place des pétales.

    "C'est plutôt le contraire."

    "Tu as posé un lapin à quelqu'un ?"

    Le jeune blond garda la dernière fleur entre ses doigts, caressant avec douceur les pétales encore intacts.

    "Je me suis demandé ce que je ferais, si une fois arrivé là-bas il n'était plus là à m'attendre… S'il m'en voulait encore. Et finalement je n'ai pas osé y aller."

    "Le meilleur moyen de le savoir, c'est pourtant d'y aller et de lui demander, non ?"

    Yuui le regarda quelques secondes, un peu surpris, semblant mesurer ses paroles. Puis il haussa les épaules à nouveau en riant.

    "C'est vrai."

    Kurogane poussa un soupir exaspéré. Ce type était vraiment trop bizarre, et il l'horripilait au plus haut point. Il venait gâcher son moment de tranquillité, s'incruster sur son pont pour venir lui raconter ses déceptions amoureuses. Mais malgré tout, quelque chose chez lui l'intriguait. Son sourire était trahi par le vide qui hantait son regard, et le faisait ressembler à une poupée cassée. Les yeux sont le miroir de l'âme, comme dirait l'autre. Mais ce que ceux-là reflétaient n'était pas aussi doux qu'il voulait le faire croire.

    "Vous connaissez l'histoire de ce pont ?"

    "Hum ? Ouais… un truc avec un gamin mort, c'est ça ?"

    "Il y avait deux frères qui vivaient dans ce village… Deux jumeaux. Ils venaient souvent jouer sur ce pont. Un jour, ils se sont disputés… Á propos de trois fois rien, une prise de tête comme beaucoup d'autres. Et l'un des deux a poussé l'autre ; un peu trop fort. Le pied de son frère a glissé et il est passé sous la rambarde…"

    Il s'arrêta quelques secondes, mais Kurogane resta silencieux, l'incitant à poursuivre son récit. Il ouvrit lentement les doigts pour libérer la dernière fleur, et la regarda tomber, emportée par un souffle de vent. Elle atterrit dans la rivière sous leurs pieds, et s'enfonça dans les eaux profondes, engloutie par le courant.

    "Ça fait partie de ces moments qui semblent durer une éternité, alors qu'ils ne prennent que quelques secondes en réalité. Le gamin a écarquillé des yeux où se mêlaient l'effroi et la surprise, puis est tombé dans l'eau comme une pierre. Sa tête a frappé contre un caillou et l'eau est devenue rouge, les rochers aussi, tout était teinté de rouge, d'un écarlate terrifiant. Et pendant ce temps son frère s'est contenté de le regarder, trop pris de court, trop paralysé pour faire quoi que ce soit, il n'a même pas eu le temps de réagir, de tendre la main, de crier. Tout est allé si vite, un regard, la chute, les rochers, à peine une seconde et il n'était plus qu'un."

    Il eut à nouveau ce rire horripilant.

    "Enfin c'est ce qu'on raconte, au village."

    Kurogane le fixa sans dire un mot, soutenant son regard ; le sourire de Yuui disparut légèrement et il tourna son regard vers la rivière, mal à l'aise. Tant mieux.

    Il n'aimait pas ce sourire, ce masque mortuaire que revêtent les gens qui vont nous quitter, dans un ultime effort pour nous faire croire que tout finira bien. Il lui rappelait bien trop celui de sa mère, chaque fois qu'elle avait fait une nouvelle crise. Une sorte de mensonge rassurant, je serai toujours là et je n'ai pas mal, lutter jusqu'au bout pour ne pas faire de peine à ceux qu'on aime même lorsqu'on sait qu'on les tuera de chagrin et que l'on n'y peut rien. Trahison héroïque, cruelle attention de ceux qui veulent le bonheur des autres en oubliant qu'ils ont eux aussi le droit d'être heureux.

    Assis sur le rebord de ce muret de pierre, ses bras entourant ses genoux, Yuui dégageait une attachante impression de fragilité. Á le voir comme ça il avait des idées étranges, envie de passer la main dans ses cheveux ou le serrer tout contre lui, murmurer des mots de miel à son oreille, tout ira bien, je suis là près de toi. Des choses qui lui semblaient stupides et appropriées à la fois. Il fronça les sourcils. Il avait besoin de prendre un peu l'air, loin de cet idiot qui le rendait incapable de réfléchir correctement ; mais il avait l'impression qu'il suffirait qu'il détourne son regard pour qu'il disparaisse.

    Et étrangement cette pensée le terrifiait.

    Il se rapprocha et prit le menton de Yuui dans sa main, le forçant à le regarder. Douleur, fragilité, regrets, peine hantaient le regard azur, douleur, force, fermeté rendaient perçants les yeux d'un rouge ardent. Tenter de faire passer sa détermination dans le regard de l'autre, tenter de comprendre sa distance.

    "Quoi qu'il se soit passé, c'était un accident. Ton frère ne t'en veut pas. Alors arrête d'y penser et décide de ce que tu veux faire de ta vie maintenant."

    Une pointe de surprise dans le bleu écarquillé. Sourire en coin, une pointe de triomphe de Kurogane. Je sais ce que tu n'as pas dit et ce à quoi tu pensais. Alors maintenant arrête de jouer.

    "Merci."

    Il retira sa main et Yuui baissa légèrement la tête ; un rideau de mèches blondes s'abattit devant ses yeux, cachant son regard.

    "J'aurais aimé … Te rencontrer avant. Peut-être que je n'aurais pas …"

    "Pas quoi ?"

    Il releva les yeux et eut un petit sourire triste, un sourire sincère, hanté mais empreint d'une ombre de soulagement qu'il ne cherchait plus à dissimuler. C'était déjà un bon début.

    "Oublie ça. Merci de m'avoir donné le courage d'y aller. Sans toi, qui sait combien de temps je serais encore resté ici alors qu'il est sûrement en train de m'attendre…"

    Kurogane renifla, feignant un mépris amusé.

    "Tu n'es qu'un idiot. Avant de songer à faire quoi que ce soit, prends un peu plus de temps pour y réfléchir. Je serai là demain, sur ce pont. Si tu veux…"

    Yuui l'interrompit, posant un doigt sur sa bouche pour lui faire signe de garder le silence. Il se releva, descendit du rebord pour se rapprocher de lui, et ses lèvres effleurèrent les siennes en un chaste baiser. Lorsqu'il recula, Kurogane lui attrapa le poignet pour lui couper toute possibilité de retraite.

    "Ne t'enfuis pas…"

    Yuui sourit doucement.

    "Je suis désolé…"

    Il posa de nouveau ses lèvres sur les siennes et approfondit le baiser. Il était doux et tendre, et Kurogane sentait plus que jamais monter en lui le désir de le protéger, de soigner et consolider son âme fragile. Il ferma les yeux, profitant de l'instant et sentant la chaleur du blond l'envahir, puis s'évanouir peu à peu. Quand il les rouvrit, Yuui avait disparu.

    Il resta longtemps sur le pont, peinant à réaliser ce qui s'était passé, se demandant s'il n'avait pas rêvé.

    Il sentait encore la chaleur des lèvres de Yuui sur les siennes, ne pouvait plus penser correctement, ressentait une douleur indicible et une tristesse qu'il ne parvenait pas à comprendre, que s'est-il passé, est-ce qu'il était vraiment là, ne pars pas, reviens moi et laisse moi te garder près de moi. Plus personne sur le pont, plus personne dans les environs, il n'y avait plus que lui seul comme un idiot en plein milieu de nulle part, déboussolé et ayant très envie de trouver un mur pour s'y cogner la tête, histoire de faire un peu le vide dans ses pensées.

    Il resta longtemps appuyé contre le muret, tentant stupidement de trouver une réponse dans l'eau qui coulait en contrebas, mais bien évidemment le silence seul répondit à ses interrogations.

    Bilan de la journée : son pont avait été squatté par un suicidaire fratricide qui l'avait embrassé, et lui s'était laissé faire sans que le fait qu'ils soient deux HOMMES lui effleure même l'esprit ; pire, il avait aimé ça, et pour finir en beauté il s'était avéré que son nouveau petit ami autoproclamé n'était rien d'autre qu'une hallucination, qui s'était évaporée avant même qu'il n'ait le temps de remettre en question son hétérosexualité. Et maintenant il était planté là à espérer qu'un poisson se décide à lui envoyer un message subliminal qui éclaircirait tout ce merdier.

    Moralité : il faudrait qu'il évite de traîner aussi longtemps en plein soleil, à l'avenir.

    Il passa à nouveau les doigts sur ses lèvres, puis secoua la tête et retourna fixer son regard sur les flots tourbillonnants.

    Quelle sale journée.


    Au crépuscule, il se décida enfin à passer voir sa mère. Il sonna à la porte et sans qu'il sache très bien pourquoi, le sourire faible qu'elle avait lorsqu'elle vint lui ouvrir lui pesa encore plus que d'habitude. Il partit à la cuisine leur préparer du thé ; lorsqu'il revint sa mère l'attendait, assise sur un fauteuil près de la table basse. Elle lui sourit de nouveau quand il s'approcha, la théière en main.

    "Tu es arrivé plus tard que d'habitude, aujourd'hui. Tu as eu des soucis à ton travail ?"

    "Non, j'ai voulu passer me détendre quelques minutes sur le pont et... J'ai été retardé."

    Kurogane commença à remplir les tasses une à une. Sa mère lui lança un regard soucieux.

    "Sur le pont ? Après ce qui s'est passé ?"

    Kuro soupira. Il n'avait pas envie de se rappeler de cette histoire, pas après la vision étrange qu'il avait eue cet après-midi. Il préférait ranger tout ça définitivement dans un coin de son esprit. Oublier les cheveux blonds, le regard hanté et le petit sourire triste qui s'étaient agrippés à sa mémoire, qu'il n'arrivait plus à déloger.

    "Si tu parles de cette histoire de gamin mort, ça remonte à loin et..."

    "Non, ce n'est pas ça... C'est vrai que ça fait un moment que tu n'es pas passé, tu ne dois pas être au courant…"

    Ce fut à son tour de jeter à sa mère un regard interrogateur, un peu déstabilisé. Son visage inquiet et un peu plus triste que d'ordinaire ne lui plaisaient pas. Si quelque chose de grave était arrivé pendant son absence…

    "Au courant ?"

    "Quelqu'un s'est suicidé la semaine dernière. Le frère du petit garçon mort il y a quelques années. Il s'est jeté du pont, son corps a été retrouvé aujourd'hui."


    Un an.

    Un an depuis cette foutue rencontre sur ce maudit pont.

    Un an qu'il venait régulièrement sur ce pont, pour y parler de tout et de rien, raconter sa vie aux arbres et aux mouches qui passaient.

    Un an que les villageois lui jetaient un regard étrange chaque fois qu'ils passaient dans les environs.

    Un an qu'il sentait comme un vide inexplicable au fond de lui, une sensation étrange de manque qu'il ne parvenait pas à combler.

    Un an que la vie après la mort était devenue comme une obsession pour lui, qu'il avait quitté son emploi pour travailler à la boutique de cette sorcière de Yûko…

    Kurogane n'était pas quelqu'un de superstitieux. Il n'évitait pas les échelles, ne s'extasiait pas devant un trèfle malformé et n'avait jamais cru aux fantômes. Mais… Il savait qu'il n'avait pas rêvé.

    Il jeta un dernier regard au bouquet de lys blancs qu'il tenait en main avant de laisser tomber les fleurs une à une dans l'eau au-dessous de lui. Le même bouquet qu'il avait déposé sur sa tombe, lors de l'enterrement. Il frissona légèrement lorsque le souvenir de ce jour là lui revint à l'esprit. La mère des jumeaux s'était agenouillée par terre, en larmes, suppliant son fils de lui pardonner. Après la mort de son frère, lorsque Yuui lui avait raconté ce qui s'était passé, elle l'avait giflé et ne lui avait plus jamais adressé la parole. Son père, lui, était parti après l'accident.

    Si Yuui avait choisi ces fleurs en hommage à son frère, ça lui aurait probablement plu à lui aussi… D'après Yûko, il avait fait le bon choix, mais comment savoir avec certitude les goûts d'une personne avec qui l'on a partagé si peu de moments ?

    Kurogane donna un coup de point rageur sur la rambarde, qui manqua de peu de craquer.

    "Idiot. Si tu m'avais laissé une chance, si j'étais arrivé quelques jours plus tôt …"

    Kurogane laissa échapper un rire sans joie. Depuis la mort de son père, il était devenu si difficile d'approche que la plupart des gens le fuyaient, et il s'en était toujours porté à merveille. Et voilà qu'un parfait inconnu lui parlait quelques minutes, l'embrassait, et il n'arrivait plus à le chasser de son esprit. Un fantôme, qui plus est. Tout ça pour disparaître de sa vie à jamais, et le laisser avec ses remords, et un putain de trou impossible à combler.

    Il fixa l'eau en soupirant. Est-ce que c'est pour ça qu'il avait sauté, ce jour-là ? Marre de vivre depuis des années avec un trou béant à la place du cœur ?

    "Dommage que tu ne m'aies pas laissé le temps d'essayer de le combler…"

    Il laissa tomber la dernière fleur, et la regarda couler lentement. Au moins, où qu'il soit, il avait probablement retrouvé ce qui lui manquait, à présent.

    "Que son esprit repose en paix…"

    Il jeta un dernier regard aux eaux tourbillonnantes, mais ce dont il avait besoin n'existait plus nulle part à présent. Seul subsistait le souvenir qui le hantait dans un coin de son esprit, ironique témoignage de ce qui n'existait déjà plus lorsqu'il l'avait rencontré. Puis il détourna le regard et partit.

    Il ne revint plus jamais sur le pont.

     

    FIN